ARTE

Vincent et Léo, amateurs d'Art et, accessoirement, cousins.

Dimanche 5 septembre 2010 à 10:00

« Celui qui aime quelqu’un à cause de sa beauté, l’aime-t-il ? Non car la petite vérole, qui tuera la beauté sans tuer la personne, fera qu’il ne l’aimera plus.

Et si on m'aime pour mon jugement, pour ma mémoire, m’aime-t-on, moi ? Non, car je puis perdre ces qualités sans me perdre moi-même. Où est donc ce moi, s’il n’est ni dans le corps ni dans l’âme? Et comment aimer le corps ou l’âme, sinon pour ces qualités, qui ne sont point ce qui fait le moi, puisqu’elles sont périssables ? Car aimerait-on la substance de l’âme d’une personne abstraitement, et quelques qualités qui y fussent ? Cela ne se peut, et serait injuste. On n’aime donc jamais personne, mais seulement des qualités.

Qu’on ne se moque donc plus de ceux qui se font honorer pour des charges et des offices, car on n’aime personne que pour des qualités empruntées. »

J'aime ce texte de Pascal. Je le trouve vrai, mais, paradoxalement, faux. Retirer le corps et l'âme au "moi", je trouve cela dérangeant. À quoi serait réduit alors ce "moi" ? Car n'est-ce pas l'âme et le corps qui font que je suis moi ? Mes qualités, mes défauts, c'est ma personnalité, donc, c'est moi. Je pense également que le moi est périssable car je suis athée.
On peut aimer des qualités, certes, mais ne les aime-t-on mieux pas sur une personne ? Les qualités s'appliquent au "moi", mais pas l'inverse ! Ce qui fait que je suis moi, ce sont mes qualités et mes défauts. Le moi, les qualités et les défauts sont soudés entre-eux. Ils sont indivisibles. Si je perds une qualité avec le temps, je ne serais plus ce "moi" mais un nouveau "moi". On n'aime personne que pour des "moi" empruntés.

 
http://arte.cowblog.fr/images/AVTBlaisePascal8199.jpg
Qu'en pensez-vous ?
Léo

Dimanche 5 septembre 2010 à 10:00

http://arte.cowblog.fr/images/2057618282462bfc7ab.jpg 
Je t'aime pour toutes les femmes que je n'ai pas connues
Je t'aime pour tous les temps où je n'ai pas vécu
Pour l'odeur du grand large et l'odeur du pain chaud
Pour la neige qui fond pour les premières fleurs
Pour les animaux purs que l'homme n'effraie pas
Je t'aime pour aimer
Je t'aime pour toutes les femmes que je n'aime pas

Qui me reflète sinon toi-même je me vois si peu
Sans toi je ne vois rien qu'une étendue déserte
Entre autrefois et aujourd'hui
Il y a eu toutes ces morts que j'ai franchies sur de la paille
Je n'ai pas pu percer le mur de mon miroir
Il m'a fallu apprendre mot par mot la vie
Comme on oublie

Je t'aime pour ta sagesse qui n'est pas la mienne
Pour la santé
Je t'aime contre tout ce qui n'est qu'illusion
Pour ce coeur immortel que je ne détiens pas
Tu crois être le doute et tu n'es que raison
Tu es le grand soleil qui me monte à la tête
Quand je suis sûr de moi.

- 1950 -
Léo

Lundi 6 septembre 2010 à 18:00

http://arte.cowblog.fr/images/LittleMissSunshine.jpg
Mon résumé :
Little Miss Sunshine est un road-movie qui raconte le périple d'une famille américaine d'Albuquerque au Nouveau Mexique à Redondo Beach en Californie. Cette famille réunit bon gré malgré voyage, dans un minibus délabré, afin de se rendre à un concours de beauté pour enfants, Little Miss Sunshine auquel doit participer Olive, jeune fille de 7 ans dont le rêve est d'être élue Miss. Les 7 membres de la famille se côtoient et se subissent : Olive, le moteur de l'histoire, répète ses chorégraphies avec son grand-père Edwin, obsédé sexuel et toxicomane qui se retrouve dans cette famille faute d'autre logement. Richard, le fils d'Edwin et père d'Olive est un coach de réussite inconnu et un peu borné qui se fait, avec sa femme Sherryl, le gérant de la famille et de ses finances. Dwayne, le demi-frère d'Olive, aime Nietzsche et déteste sa famille. Il a décidé de ne plus parler  jusqu'à réussir son rêve : rentrer dans la Royal Air Force Academy. Et enfin Frank, le frère de Sheryl, spécialiste de Proust  mais aussi homosexuel et suicidaire, se retrouve obligé de suivre cette famille dans son voyage. Cette famille connaîtra bien des évènements durant ce voyage qui les mèneront à de nombreuses occasions au bord de la rupture.

Mon avis : Ce film nous raconte l’histoire extraordinaire d’une famille américain atypique, avec son parcours jalonné de drames. Ce parcours, c’est le parcours que nous parcourons tous : c’est le parcours de la vie. Ici, c’est chaque période de la vie qui est représentée, chaque vision du monde. Ce film nous raconte le périple de toute une vie : l’espoir de concrétiser ses rêves à l’enfance, tout faire pour les réalise et les voir se briser à l’adolescence. Puis se raccrocher à une réussite fictive et s’aveugler sur son propre échec et enfin, lorsque l’on a assez de recul sur sa vie, passer une vieillesse désabusée à abuser des interdits. Néanmoins ce sombre tableau ne l’est pas vraiment puisque cette famille est embarquée dans le même minibus de la vie, qui représente l'entraide familiale omniprésente.
Emotionnellement parlant, le meilleur film que j’ai vu. Ce film me rappelle la description du drame romantique de Victor Hugo : mélange du grotesque et du sublime, du tragique (la crise de Dwayne) et du comique (la danse finale), dans un mélange parfaitement dosé qui passe d’un début plein d’espoirs et de doutes, à un milieu tragique et une fin heureuse. Les acteurs pour moi peu connus servent à merveille cette aventure humaine qui ne peut laisser insensible.
Conclusion : Une fable générationnelle émouvante à ne pas manquer.

Vincent

Lundi 6 septembre 2010 à 18:00

http://arte.cowblog.fr/images/Carreblancsurfondblanc.jpgC'est le premier tableau dont je me propose de faire la critique. Et on commence fort avec ce tableau suprématiste.

Qu'est-ce que le suprématisme ?
Le suprématisme est un mouvement pictural, d'art abstrait né au début du XXè siècle. Son inventeur est justement Malevitch, un russe, critiqué par le régime soviétique. Il fut même emprisonné et torturé à cause du mouvement qu'il avait crée car il n'encourageait pas le régime et avait le défaut de faire réfléchir.
Pourquoi "suprématisme" ?
Les mots peuvent être compliqués à comprendre, mais le principe est, en réalité, très simple. La suprématie c'est quoi ? C'est la domination, la prorité. Le suprématiste fait de sa priorité les sentiments purs, qui, selon lui, ne se retrouvent que dans la forme pure, hors de la rationnalité humaine ou des symboles. Ainsi, l'oeuvre est "vidée" d'humanité si j'ose dire, pour accéder aux Sentiments (avec un grand S), non dénaturés par l'Homme.

Carré blanc sur fond blanc est le tableau le plus mystique de son auteur. Il atteint le monde de http://arte.cowblog.fr/images/Carreblancsurfondblanc2.jpgla non-représentation. Il est tout et rien à la fois. Cela peut choquer ou plaire, on peut détester ou adorer, mais on ne peut rester indifférent devant cette oeuvre. Jamais personne n'avait osé dépasser, contourner, braver les canons de l'art pictural à ce point là.
Le blanc représente l'infini, mais également le pur. On comprend mieux pourquoi c'est la couleur préférée des suprématistes.

Mais intéressons-nous maintenant à la structure du tableau. C'est donc un tableau blanc qui représente un carré blanc, d'une autre nuance, que le fond. Le carré semble flotter dans le tableau. Il semble appartenir à une quatrième dimension. La quatrième dimension selon les suprématistes est la fusion du temps et de l'espace. La toile est immobile dans les trois premières dimensions, mais dans la quatrième, elle prend tout son sens, elle bouge, les formes se meuvent... et c'est cela que le spectateur doit voir lorsqu'il regarde une toile suprématiste. Il ne doit pas seulement voir l'instant présent. Il doit s'imprégner, l'imaginer, dans le futur, dans le passé pour ainsi la voir s'exprimer.
Léo

Lundi 6 septembre 2010 à 18:00

http://arte.cowblog.fr/images/artt.jpg

Quatrième de couverture :
« Mon ami Serge a acheté un tableau. Un tableau blanc avec des liserés blancs ». Médecin dermatologue, Serge aime l’art moderne et Sénèque – qu’il trouve "modernissime". Ingénieur dans l’aéronautique, Marc a des goûts plus traditionnels et ne comprend pas que son ami puisse acheter "cette merde" deux cent mille francs. Quant à Yvan, il aimerait bien ne contrarier aucun de ses deux précieux amis. Mais les disputes esthétiques autour du tableau blanc dégénèrent dans un crescendo hilarant et féroce qui ne laissera personne indemne...

Mon avis : Une pièce très moderne (comme le tableau) qu'on peut lire d'une traite tant le sujet est intéressant et fort. En effet, bien plus qu'un débat autour de l'art, c'est la vie de chacun qui est exposé ici sans concession, avec sincérité.
Cette pièce m'a d'ailleurs rappeler par certains points Huis Clos de Jean-Paul Sartre : trois personnages s'affrontent et se déchirent. "L'enfer c'est les autres", cette phrase peut s'appliquer à cette pièce : les trois amis sont les bourreaux des autres.
Serge est un bobo, un peu snob, qui s'intéresse à l'art, et plus particulièrement à l'art contemporain, il a acheté un véritable "Antrios" (par intérêt ou provocation, les deux ?). Marc est un bourgeois traditionnel, sans grand intérêt, bourré de préjugés sur l'art et sur la vie. Yvan, lui plus pauvre, moins chanceux, a le cul entre deux chaises : ses deux meilleurs amis se disputent à propos d'une "merde", il essaie de les réconcilier, finalement, ce sera lui le dindon de la farce... il est cet élément comique et ridicule qui met en valeur les deux autres personnages et leurs propos. Si l'on schématise la pièce et son idée, on peut dire que la tradition stricte et sobre (Marc) rencontre la modernité scandaleuse (Serge). Deux mondes opposés, pourtant amis...
Mais revenons sur l'idée de la pièce et les questions que l'on peut se poser. On peut affirmer, sans trop de doute, que la question principale que nous pose Yasmina Reza dans cette pièce est la suivante : Jusqu'où peut aller l'Art ? Sans se positionner clairement (malgré une fin explicite), elle fait parler deux partis antithétiques mais pourtant bien proches : le défenseur de l'art classique, où la beauté et le respect des règles sont de mise, et le protecteur de l'art contemporain, "l'art pour l'art". Finalement, nous, lecteurs et amateurs d'art, sommes Yvan. Qui soutenir ? J'aime bien l'art classique, mais j'aime aussi beaucoup l'art contemporain. J'aime Marc et Serge. Pourtant il faut choisir : alors je fuis...
La pièce (et le tableau) fait bien sûr illusion à Malevitch et au suprématisme qui a repoussé les limites de l'art pictural, voire de l'Art tout court, en proposant par exemple un Carré blanc sur fond blanc. L'art se suffit-il à lui-même ? C'est la seconde question que se pose et nous pose Yasmina Reza. Pour elle, chacun peut voir dans ce genre d'art ce qu'il veut y voir. N'est-ce pas le meilleur moyen de s'évader ? L'illusion d'avoir créer un sens au tableau ne nous le rend-il pas encore plus précieux qu'il ne l'est déjà ? Car nous devenons le créateur à la place du peintre. Et si l'art futur c'était cela ? Un art qui laisse libre cour à l'imagination et dont nous sommes tous et toutes les auteurs en nous-mêmes, un art individuel.
Conclusion : Une pièce qui deviendra un classique tant le sujet s'adresse à tout le monde. Cette oeuvre parle d'art et pourtant, elle-même, est de l'art : la mise en abyme est élégante. À lire !
Léo

<< Page précédente | 1 | 2 | 3 | Page suivante >>

Créer un podcast